Si Kuss s’est mis au vélo, c’est pour s’améliorer en… ski de fond
Si Sepp Kuss a prouvé sur cette Vuelta qu’il pouvait se mettre au niveau des meilleurs, y compris sur les rendez-vous les plus prestigieux du calendrier, il fût une époque où il était loin d’être un fou de vélo. Plus exactement, l’Américain aimait grimper sur les pédales, mais surtout pour faire du VTT, une discipline dont il a toujours été féru, ce qui n’a pas été le cas de la route pendant longtemps. Le cyclisme sur route, celui qui avait beaucoup de mal à réaliser dimanche soir « être de l’autre côté » – « Je suis souvent dans les équipes qui gagnent, mais être celui qui porte le maillot, c’est incroyable. Je vis un rêve ! » – ne s’y était mis, un peu forcé, que pour améliorer son endurance en… ski de fond.
Soit le premier sport pratiqué par le héros de cette édition du Tour d’Espagne qui s’est achevée dimanche à Madrid sur un incroyable triplé de Jumbo-Visma (avec Jonas Vingegaard et Primoz Roglic pour accompagner Kuss sur le podium). Un amour que lui avait transmis son père, entraîneur de l’équipe olympique américaine de ski nordique lors des JO de 1972 (à Sapporo, au Japon) et 1976 (à Innsbruck, en Autriche). Le vélo, le compatriote de Neilson Powless n’y a véritablement goûté qu’en 2018, à l’occasion des terribles Strade Bianche, qu’il avait terminées à la 53eme place pour ses débuts. Ce jour-là, le futur lieutenant de Jonas Vingegaard avait « passé une journée amusante ». Si cela n’avait pas été le cas, l’Américain n’en serait peut-être pas là aujourd’hui.
Avant de s’imaginer dans la peau d’un futur vainqueur, Kuss a perdu volontairement beaucoup de temps et… un peu trop bu
Avant le 8 septembre dernier et le triplé historique de l’équipe Jumbo-Visma au sommet du Tourmalet lors de la 13eme étape (NDLR : Le futur vainqueur, alors déjà leader, avait terminé 2eme de l’étape), Sepp Kuss n’avait jamais pensé qu’il pouvait remporter cette Vuelta, surtout avec la présence dans l’équipe des deux monstres Vingegaard et Roglic. Et puis il s’est pris au jeu, et s’est dit qu’il pouvait connaître à son tour son moment de gloire, lui le fidèle équipier présent sur tous les Grands Tours remportés par son équipe. Mais avant de comprendre qu’il pourrait tirer son épingle du jeu, le natif de Durango (Colorado) ne s’est pas vraiment comporté comme un futur vainqueur. Au point de perdre volontairement du temps sur les premiers jours de l’épreuve.
Ainsi, lors de la 3eme étape et première arrivée au sommet de cette Vuelta, Kuss s’était relevé à cent mètres de la ligne, une fois son travail d’… équipier terminé, et perdu ainsi une dizaine de secondes. Mais il a fait encore « pire » lors de la 6eme étape, qu’il a remporté au sommet de l’observatoire astrophysique de Javalambre, en prenant tout son temps pour taper dans les mains des spectateurs avant de franchir la ligne et d’enlever sa deuxième étape sur le Tour d’Espagne (sa 3eme sur un Grand Tour). Et alors que le patron de l’équipe est formellement contre l’alcool pendant les courses pour fêter les victoires, Kuss ne s’était pas gêné ce jour-là pour descendre une demi-bouteille de mousseux. « J’étais complètement bourré après ça », avait même reconnu ensuite le coureur, connu pour mettre la bonne humeur dans le car néerlandais.
Pour Kuss, l’Espagne signifie beaucoup, mais pas forcément pour la raison que vous imaginez…
Si Sepp Kuss restera désormais marqué à vie par ce premier succès dans un Grand Tour sur les routes espagnoles, l’Espagne ne constituera pas uniquement pour lui un excellent souvenir parce qu’il a inscrit son nom au palmarès de la Vuelta. Avec ou sans ça, l’Américain est comme chez lui dans ce pays, qu’il considère comme sa deuxième terre. Kuss vit même en Espagne, plus précisément en Andorre, et ce aux côtés d’une épouse… catalane. Ce qui lui vaut de parler le castillan par cœur. Evidemment, cela a grandement facilité les choses pendant ce Tour d’Espagne pour Kuss, qui n’a jamais eu aucune difficulté pour se faire comprendre. Et en Espagnol d’adoption qu’il est, il a pu bénéficier sur son passage du fervent et chaleureux soutien des fans de vélo locaux. Mais pas uniquement, puisque la Guardia Civil (le corps national de gendarmerie en Espagne) s’est prise elle aussi d’admiration pour cet Américain qui a pris ses quartiers dans le pays où la paëlla est reine. Au départ de l’ultime étape, dimanche, le maillot rouge a ainsi eu droit à une haie d’honneur des gendarmes espagnols.